jeudi, juillet 24

Oiseau prophète*

Avant le printemps, 
et tous les matins,
après avoir parfois lavé puis surtout bien démêlé mes cheveux bois flotté, accroché mon chignon en les ayant crêpé un peu avant... 
j'enroulais autour de mon index gauche cette petite mêche de cheveux décrochés, si douce, que je posais délicatement dans un petit pot à l'abris du vent et de la pluie, dehors et au jardin...en y mêlant parfois quelques brins  de bel alpaga qui s'échappaient du tricot que j'avais en cours...
Presque chaque jours, elles disparaissaient laissant le pot vide ...
Le printemps venu, toutes les maisonnettes à oiseaux, que monsieur f. & fils avaient pris soin de fabriquer, piaillaient.. Un véritable concert permanent du lever au coucher du soleil venait accompagner nos pas et autres pauses au jardin. Nous observions discrètement les allers et venues des parents, le vers au bout du bec, nous positionnant toujours avec respect pour ne point les effrayer ni déranger.
Puis les nichées se sont tues et les petits envolés. 
Le silence reparlait...
J'ai ouvert délicieusement les maisonnées et retrouvé mes cheveux scrupuleusement mariés à qq brins de mousse, de plumes et d'autres brindilles. Le travail était magnifique et si douillet. Ils devaient y être tellement bien.
Puis les cerisiers ont commencé à  fabriquer leurs fruits ... Les premiers depuis plus d'une dizaine d'années que nous les avions planté. Je me réjouissais d'avance de voir les enfants, même grands, se fabriquer des boucles d'oreille, de confectionner des clafoutis au parfum de mon enfance, d'avoir les doigts rougis après les longues cueillettes du bout de l'échelle.
Mais le temps de les laisser rougir et plus un seul ne resta.

Alors chers petits oiseaux, l'année prochaine, laissez nous le temps  de les goûter, les apprécier, mes fruits préférés !... 

* En clin d'œil, ma dernière étude de piano ("oiseau prophète"
issue des waldszenen de Schumann op. 82) travaillée avec tant de plaisir avant de quitter le concervatoire dans lequel je devenais prisonnière...

https://m.youtube.com/watch?v=mBvZO9Vc0gc







Un grand pardon à l'illustrateur dont je ne retrouve pas le nom.